ERF Eurofins Scientific SE

François Berthon,

Agefi-Dow Jones

PARIS (Agefi-Dow Jones)--Un long rapport à charge d'un fonds spéculatif, ShadowFall, plombe le cours de Bourse d'Eurofins Scientific depuis deux jours. Alors qu'il était remonté à ses plus hauts niveaux depuis un peu plus d'un an, le titre du laboratoire d'analystes pharmaceutiques a chuté de 8,3% mercredi et perd encore 4% jeudi en fin d'après-midi. Selon le hedge fund, le groupe est "de plus en plus désespéré et endetté" et "se dirige sans doute vers une crise de liquidité".

ShadowFall pointe aussi la complexité de la structure d'Eurofins, "en évolution constante et comprenant environ 800 filiales", et diverses anomalies, entre "un étrange prêt de plusieurs millions d'euros à une entité panaméenne", des incohérences comptables dans certaines filiales, des écarts dans les montants de certaines transactions intra-groupe et des conflits d'intérêts.

Ce tableau financier inquiétant n'est toutefois pas partagé par les analystes, dont l'opinion sur le titre est pour la plupart positive ou neutre.

Contacté par l'agence Agefi-Dow Jones, Eurofins n'a pas souhaité commenter les informations contenues dans le rapport de ShadowFall "à ce stade".

Les craintes sur l'endettement ont diminué

Si le sujet du levier d'endettement de l'entreprise a inquiété le marché en 2018, "les craintes sont retombées, l'environnement de taux a radicalement changé et devrait perdurer un certain temps", explique Bruno de la Rochebrochard, chez Bryan Garnier, qui a relevé à la fin août sa recommandation sur Eurofins à l'achat à l'issue des résultats semestriels.

L'endettement du groupe était monté en 2018 à 2,65 milliards d'euros, représentant 3,38 fois l'excédent brut d'exploitation (Ebitda), du fait d'un rythme d'acquisitions plus intense que prévu. "Cela avait généré un stress important parce qu'il y avait des anticipations de hausse des taux", rappelle l'analyste.

Mais "aujourd'hui, le refinancement du groupe ne pose pas de problème", souligne-t-il. La société a ainsi facilement refinancé 300 millions d'euros de dette hybride au début septembre.

Concernant la forte progression de la dette à court terme au premier semestre, à 882 millions d'euros, qui inquiète ShadowFall, le PDG Gilles Martin et son directeur financier ont expliqué lors d'une conférence téléphonique après les résultats semestriels qu'elle était liée au tirage de certaines lignes de crédit à court terme pour financer la saisonnalité de l'activité, et que celles-ci seraient "rollées", soit remboursées par de nouveaux emprunts.

"Compte tenu des éléments dont nous disposons, et du 'roll' annoncé de la dette à court terme, nous estimons toujours que la liquidité d'Eurofins est confortable", note Octo Finances, pour qui "la progression des résultats devrait conforter la génération de cash".

De plus, la société aurait toujours la possibilité d'opérer des cessions d'actifs en cas de stress réél sur sa liquidité, ajoute le bureau de recherche.

Cela dit, ShadowFall n'a pas choisi sa cible par hasard, la gouvernance et les comptes d'Eurofins étant souvent considérés comme opaques. "C'est le moins que l'on puisse dire", reconnaît un analyste de la place, "mais ces arguments ne sont toutefois pas nouveaux, et la société a commencé à y répondre". Le groupe a notamment changé d'auditeur, passant de PwC à Deloitte pour le groupe et toutes ses filiales.

La valeur la plus "shortée" du marché français

Le timing choisi pour la publication de ce rapport n'est peut-être pas non plus anodin. "On peut y voir une volonté de réappuyer sur le titre qui était beaucoup remonté ces derniers mois, ce qui a pu déplaire à certains", observe cet analyste.

Avant de chuter mercredi, l'action Eurofins s'était appréciée de 28% depuis la publication fin août des résultats semestriels du groupe, ce qui n'a pas fait les affaires des nombreux hedge funds positionnés à la vente sur la valeur. A ce jour, le nombre de titres prêtés par les actionnaires d'Eurofins aux vendeurs à découvert représente 16,3% du capital d'Eurofins, ce qui en fait l'action la plus empruntée sur le marché français, juste devant Casino et Bic, selon les données d'IHS Markit.

Nul doute que cela devrait renforcer la volonté déjà manifestée par Eurofins de se rapprocher des autorités de contrôle pour enquêter sur les mouvements de son titre et les sources de certaines rumeurs. Mais pour se mettre véritablement à l'abri de ce genre d'attaque, le groupe devra aussi confirmer ses progrès en matière de gouvernance et de transparence de ses comptes.

-François Berthon, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 93; fberthon@agefi.fr ed: ECH

(Dimitri Delmond a contribué à cet article)

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(END) Dow Jones Newswires

October 17, 2019 11:15 ET (15:15 GMT)

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